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André Legrand
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20 - LA CATHEDRALE  DE  SOISSONS

20 - LA CATHEDRALE  DE  SOISSONS

20 A - LA  NEF

            ETUDE  POUR  LA  DATATION  DE  LA  NEF

          J'extrais quelques renseignements que l'on peut trouver dans le livre de l'Abbé Jules Saincir : Le diocèse de Soissons, concernant particulièrement la cathédrale de Soissons.

            RENSEIGNEMENT n°1, p. 90 :

          Joslein de Vierzy meurt le 9 novembre 1152, un mausolée de cuivre, élevé dans la nef de la cathédrale (dont le chœur n'était pas encore bâti), face à l'autel des Saints Pierre et Paul, recouvrit ses restes mortels.

            RENSEIGNEMENT n °2, p. 92 :

          Ancoul décéda le 19 septembre 1158 et, selon ses dernières volontés, fut inhumé dans le chœur de l'église de Longpont, à gauche du grand autel. Il avait laissé à la cathédrale, en voie de construction, des pièces d'orfèvrerie et des ornements précieux. (Ancoul : évêque de Soissons de 1152 au 10 Septembre 1158).

          Hugues de Champfleury meurt le 4 septembre 1175. Son successeur fut Nivelon 1er de Cherizy, sacré à Reims le 19 Août 1176.

            RENSEIGNEMENT n°3, p. 107 et 108 :

          En 1162, l'évêque Joslein de Vierzy est inhumé dans la nef de sa cathédrale. Nivelon de Chérizy, encore archidiacre (donc avant le 19 Août 1176), donne un terrain, peut-être pour l'agrandissement du chœur. Philippe Auguste (1165-1223) prend en charge les frais des vitraux de l'abside. Quelques années plus tard, c'est Blanche de Castille qui donnera ses armoiries, que l'on voit encore dans les trois verrières de la chapelle de la Vierge, probablement lors de la veillée d'armes de Saint-Louis. 

        

          Mon travail de recherche va être le suivant : 

          Voir si les renseignements écrits fournis par J. Saincir peuvent être appliqués à l’évolution du bâtiment. Pour cela, prenons comme hypothèse de travail que ces trois renseignements, trouvés dans les archives de la cathédrale par J. Saincir, concernent la cathédrale actuelle et voyons s'ils sont vraisemblables ou non.

          Le renseignement n°1 : J. de Vierzy meurt le 9 novembre 1152, un mausolée de cuivre serait élevé dans la nef de la cathédrale. Or, J. de Vierzy est l'évêque de Soissons, c'est donc dans la nef de SA cathédrale que cela se passe, en 1152, on sait même que le chœur n'était pas encore bâti. On pourrait donc supposer qu’un chœur, certainement de modeste dimension, est réalisé avant celui de Nivelon de Chérizy, disons plutôt de dimension correspondant au besoin dicté par le nombre des membres du clergé. On peut donc comprendre que la nef était terminée ou fort avancée. Supposons logiquement une quinzaine d'années pour arriver à ce stade d'avancement, cela nous fait remonter environ à 1137, c'est un peu tôt, mais sans doute possible au regard des travaux du transept sud, qu'à la suite de mes recherches, j'ai proposé de dater entre 1125 et 1140.

          Le renseignement n°2, sans nous dévoiler grand-chose, nous enseigne quand même que les travaux de la cathédrale sont toujours en cours;

          Et le renseignement n°3, que l'évêque J. de Vierzy est inhumé dans sa cathédrale.

          Tout ceci en 1162. Il s'agit probablement de la cathédrale Saint-Gervais et Saint-Protais actuelle, car il est peu probable que la nef actuelle de J. de Vierzy ait été démolie et reconstruite entre 1180 et 1212, période de 18 ans, déjà un peu courte. De plus, la cathédrale que nous voyons actuellement est représentative des connaissances qu’ils ont en 1137 et, si elle avait été construite entre 1180 et 1212, elle serait différente. Son style serait entre la nef de J. de Vierzy et celui de la cathédrale de Reims, donc très proche de Saint-Yved de Braine, construite dans les années 1180.

          Alors, une question se pose : Que font-ils entre 1152 et 1162? Probablement, un petit chœur ainsi qu'un bras ou une amorce du transept nord (voir à ce sujet l'étude sur la croisée du transept).

          Tous ces renseignements nous fournissent, à peu près, le début et la fin de la réalisation de la nef de la cathédrale, soit 1137/1162, période de 25 ans. Si l'on se réfère à la cathédrale de Laon, commencée en 1151 et terminée en 1177, soit 26 ans, le délai est le même, donc possible et probable. Maintenant, est ce bien la cathédrale que nous avons actuellement sous les yeux? Oui et non! Comme à Laon, et pendant la même période (en cela, je rejoins Monsieur Martinet, archéologue, qui propose l’agrandissement de la nef de la cathédrale de Laon entre 1180 et 1200), le chœur sera trop petit et va devoir être agrandi, et c'est sous l’évêché de Nivelon de Cherizy que cela va se réaliser : démolition de l'hémicycle de J. de Vierzy et agrandissement tel que nous le connaissons, actuellement, avec les chapelles du chœur pour se terminer en 1212 ce qui correspond, à la pierre trouvée au XVIIe siècle (1663) et portant l'inscription en latin, et la date : 1212 (voir la photo au chapitre 4 - La Datation), date qui me convient parfaitement, d'autant plus qu'à la page n°108, toujours d'après la même source, on trouve que : Nivelon de Cherizy, encore archidiacre, donne un terrain pour l'agrandissement du chœur. Nivelon de Chérizy est intronisé à Reims le 19 Août 1176 (avant qu’il ne soit nommé évêque et donc, avant 1176).

          On ne connaît pas le nom du concepteur du plan de la cathédrale de J. de Vierzy. Ceci peut s'expliquer par le fait que c’est un moine qui, ayant les connaissances nécessaires, est seul capable de le faire. Or, en plus, on sait que les moines cisterciens sont enterrés de manière quasiment anonyme, Saint-Bernard est présent dans la région depuis les années 1120/1122. La simplicité du décor de la cathédrale de Soissons peut sûrement s'expliquer par l'influence de Saint-Bernard qui, dans un manuscrit de 1151 (conservé aux archives de Laon), souhaite : "La simplicité dans la liturgie et dans l'architecture"  Saint-Bernard doit même y penser depuis quelque temps (peut-être dès 1137 et les années suivantes), ce qui expliquerait la sobriété de la cathédrale de Soissons.

          L'antériorité du transept sud ne faisant aucun doute, tant par les écrits des archéologues que par son aspect, elle va nous obliger à positionner sa réalisation avant, donc avant 1137.

          L'étude de l'évolution des plans de Morienval, de Saint-Denis, du transept sud de Soissons, ainsi que le tracé des hémicycles grâce au nombre d'Or, établit pratiquement la preuve de la réalisation de ce dernier entre 1125 et 1140, elle sera suivie, immédiatement, par celle de la nef. Afin d'élaborer un raisonnement logique, concernant la proposition des dates établies à ce jour, il faudrait supposer que N. de Chérizy, dès son avènement en 1176, va démolir la cathédrale construite entre 1137 et 1162 car la cathédrale construite par J. de Vierzy ne vaut pas la peine d'être conservée. Ceci conduit à supposer, alors, que, J. de Vierzy disposait de tous les éléments pour réaliser la cathédrale que nous voyons aujourd'hui : il en a réalisé une autre. Ceci tendrait à supposer également qu’en plus, il aurait conservé le transept sud.

          Ce dernier point n'est pas très probable, par contre, en prenant comme hypothèse que si J. de Vierzy construit le transept sud comme nous l'avons découvert (voir le chapitre transept sud) entre 1125 et 1140, poursuivant par la nef entre 1137 et 1162, comme proposé ci-dessus, et qu'à son avènement, N. de Chérizy, par nécessité, va agrandir le chœur et faire toutes les finitions (chapelles, etc.) qui resteront à peu près dans l'état actuel, sauf le transept nord, qui sera repris plus tard, cette proposition devient tout à fait cohérente : on sait que Blanche de Castille va donner les verrières (vitraux) de la chapelle de la Vierge, lors de l’adoubement de Louis IX.

          Ainsi raisonné, la nef de Soissons devient le premier édifice gothique où est appliqué le concept de l'architecture gothique et, en plus, sur plan barlong. Les voûtes des cathédrales qui vont suivre vont être dotées de voûtes sexpartites qui, elles-mêmes, seront abandonnées pour un retour aux voûtes barlongues. Le plan barlong, qui répartit mieux les efforts, va être mis de côté pendant quelques années, cela me surprend. Pour comprendre cela, il faut admettre que le concepteur de la cathédrale va réaliser en partie haute un volume directement lié à la Jérusalem Céleste, sous la forme d’un cube de douze unités de côté. Ce volume abstrait de trois valeurs de 12 unités de trois pieds et quatre pouces, représente parfaitement la Jérusalem Céleste et comme Elle, elle ne peut être qu’unique; serait-ce l’explication? Ce que l’on peut constater c’est que la réalisation des voûtes des autres cathédrales sont des voûtes sexpartites! Et ce au moins pendant 3 ou 4 décennies.

            COMPLEMENT  A  LA  CONSTRUCTION  DE  LA  NEF

          Sous J. de VIERZY, il est impossible de construire la nef sans l'adosser à une croisée du transept, d'un côté, et à une pile massive, de l'autre, correspondant à la pile massive de l'entrée et des tours et sans que, par là même, un chœur de petite dimension avec un hémicycle n'ait été construit. Or, les quatre piliers du transept aux multiples nervures, ne correspondent pas aux années de J. de Vierzy, mais ont plutôt été réalisées lors de l'intention de créer une tour lanterne. A St-Yved de Braine, soit 1180/1200, il y a une tour lanterne, ce qui correspond à l’évêché de N. de Chérizy. Comme il n'était pas nécessaire de démolir les colonnes réalisées par J. de Vierzy et qu'il était plus simple de les laisser, il se pourrait même qu'elles soient toujours à l'intérieur des piliers nervés. Maintenant, est-il possible de considérer la réalisation de la nef entre 1137 et 1162? Pour cela il faut envisager la réalisation du transept sud entre 1122 et 1137; or, l'étude concernant la réalisation du transept sud fait apparaître une réalisation entre 1125 et 1140 (voir étude du transept sud).

          Pour compléter ce raisonnement, n'oublions pas qu'historiquement, la ville de Soissons est une ville importante : c'est l'endroit où ont lieu bien des conciles, que les rois passent souvent à Soissons, que l'évêque J. de Vierzy est conseiller privé du roi Louis VII. C'est une ville qui participe activement à la vie de l'Isle de France. Quelques années après 1150, les cathédrales de Sens, Laon, Noyon, et Senlis, voient l'ouverture de leur chantier, et Soissons serait oubliée, alors que sa situation centrale devrait, au contraire, la favoriser? Si la nef est bien construite pendant cette période 1137/1162, et si le transept sud, qui est plus ancien, doit être construit avant 1137, il faut considérer la parfaite étude et application de la géométrie dans l'élaboration du plan. Or, les moines cisterciens sont depuis 1134 à Vauclair, et même dans la région depuis 1120 (voir étude du transept sud).

          Ainsi raisonné, la nef de Soissons devient le premier édifice gothique où est appliqué le concept de l'architecture gothique et en plus sur plan barlong qui, après les voûtes sexpartites, ne sera repris et généralisé qu’après Bourges. Le plan barlong, idéal, sera mis de côté pendant quelques années; (édifices construits avec des voûtes sexpartites ou prévus pour cela : Sens , Noyon (cas très particulier), Laon, Paris Notre-Dame, Bourges).

          La sculpture : il n'y a pas de différence remarquable entre la sculpture des chapiteaux de la cathédrale de Laon et ceux de Soissons (seraient-ce des cistels?) et guère plus avec la sculpture de ceux de Noyon. Quant aux besoins en place qui influent sur les réalisations, c'est en 1150 que la place nécessaire pour accueillir les laïcs (catholiques ne faisant pas partie du clergé) va générer en priorité l'agrandissement des nefs au détriment de tout autre espace; de même, c'est aux environs des années 1180 que le clergé, augmentant en nombre, va commander l'agrandissement des chœurs, d'où la réalisation du chœur de Soissons et de Laon. En 1150, la relation du besoin et du faisable est la cause de la construction des premières cathédrales. De même, aux alentours des années 1175/1180, l'augmentation en nombre des membres du clergé va, à Laon comme ailleurs, engendrer les besoins d’agrandissement du chœur (à Laon, réalisation d'un chœur avec un pignon et une rosace qui, auparavant, était plus petit et en hémicycle, avec une augmentation sensible du nombre de travées). En supposant que les mêmes besoins produisent les mêmes effets, on peut penser que le chœur de Soissons a été agrandi entre 1180 et 1212 (date de la remise de la cathédrale au clergé), et admettre la réalisation de la nef entre 1137 et 1162. La proposition de la date de 1137 pour le début des travaux est basée sur le fait qu'il faut environ 25 ans pour construire un tel édifice, qu'il est achevé en 1162, et qu'il est en cours de réalisation à la mort de J. de Vierzy en 1152. En outre, il est difficile de penser que la nef de J. de Vierzy construite entre 1137 et 1162 va être démolie en 1176 pour faire place à celle que nous connaissons actuellement. Le délai très court, quatorze ans entre l’achèvement de l’un et la réalisation du nouvel édifice, ne plaide pas en sa faveur, au contraire, les propositions de dates fournies par Jules Saincir permettent une insertion parfaite chronologiquement, à tel point que la logique commande de les retenir.

          A ce stade de l’étude, le calendrier de l’état des travaux de la cathédrale de Soissons serait le suivant : 

          - Transept sud : 1125/1137; 

          - Nef, croisée du transept, petit chœur, transept nord : 1137/1162;

          - agrandissement du chœur : 1176/1212;

          - Transept nord.

20 B - LE  TRANSEPT SUD         

          Cette étude du transept sud de Soissons sera décomposée comme suit :

           A) - Etude du plan du transept sud et comparaison avec le plan de Morienval et celui de Saint-Denis;

           B) - Etude de la construction;

           C) - Etude de la sculpture des corniches et des chapiteaux.

           Ces études se font toujours par comparaison. 

          Les constructeurs de cette époque (années 1100) tirent leurs connaissances de l'étude des édifices déjà construits et des enseignements fournis par les projets qu'ils imaginent et qu'ils mettent en œuvre. Tout est basé sur l'expérimentation.

          Plus que du tâtonnement, ceci fait apparaître l'aspect scientifique de cette méthode expérimentale : hypothèse, vérification par la mise en oeuvre, enseignements à retenir pour les futurs édifices.

          Avant d'étudier le transept sud de Soissons, une remarque importante doit être précisée : Les concepteurs des édifices de l'école bourguignonne, en particulier les Cisterciens, ont probablement appliqué, dans la construction de leurs édifices gallo-romains, des recherches qui, bien que différentes, font appel à une réflexion sur les poussées des voûtes longitudinales et la reprise possible de ces poussées par des demies voûtes latérales et transversales, solutions qui entraînent pratiquement l'impossibilité d'éclairer la nef d'un jour direct, mais qui vont suggérer la réalisation du contrefort à retraite et de l'arc-boutant.

          Ceci conduit à penser que, lorsqu'ils réalisent, au début du XIIe siècle à Clairvaux, des voûtes sur croisée de nervures dans les bâtiment des convers (voir photos du bâtiment des convers de Clairvaux et de Vauclair au chapitre 9 - Croisée d'ogive), ils doivent comprendre les avantage de cette technique qui, bien qu'incomplète, peut être pleine de promesses, surtout en reliant les deux recherches. Il leur reste à admettre que ces nervures canalisent les poussées et que, peut-être, il deviendrait possible d'envisager des ouvertures éclairant l'intérieur de l'édifice etc, bref, parvenant ainsi à l'aboutissement de l'Architecture gothique.

          Etant donnée la présence de Saint-Bernard à l’inauguration de l’installation de Norbert de Xanten en présence de Barthélémy de Joux à Prémontré, leur arrivée à Prémontré en 1120 m'oblige à imaginer que leur intervention en tant que concepteurs dans les édifices de l'Isle de France est possible et plausible; un détail renforçant cette proposition est le fait que le nom des premiers concepteurs est inconnu, et que les moines, surtout les Cisterciens, sont discrets. La venue des cisterciens dans l'Isle de France n'est officielle qu'à partir de la fondation de Vauclair, en 1134. La présence de Saint-Bernard au concile de Troyes en 1127 est certaine, au cours duquel il est à noter la reconnaissance des Croisés et la recommandation à Hugues de Payns de prendre contact avec J. de Vierzy, présent, lui aussi, pour obtenir un endroit où s'implanter (est-ce le Mont de Soissons, à Serches?). Ceci conduit à penser que leur présence est très possible à Laon et à Soissons dès les années 1120.

          Revenons à l'étude du transept Sud.

          Dans les écrits de Viollet-le-Duc, ainsi que dans ceux de J. Ancien, l'antériorité de la réalisation du transept sud de la cathédrale de Soissons, par rapport à la nef, ne fait aucun doute, mais la seule date proposée : 1176 ou 1177, me semble erronée, en plus, cette date est fournie sans aucune preuve à l'appui. Si on accepte l'idée que la nef a été réalisée entre 1137 et 1162 (voir étude de la nef) et que les grandes cathédrales qui entourent Soissons ont déjà été commencées : Noyon et Sens en 1137, et réellement entreprises, comme à Laon, en 1150/1151, il n'est pas possible, au regard des choix constructifs mis en œuvre dans le transept sud, de considérer que ce dernier ait été réalisé en 1177! Ceci correspond, pratiquement, à l'achèvement de la cathédrale de Laon, date fondée sur le seul élément permettant de considérer l'achèvement de la cathédrale de Soissons en 1212, suivant la pierre retrouvée et marquée de cette date : 1212. Un autre élément serait le don d'un terrain par Nivelon de Chérizy, c'est vraiment peu! Et ce, d'autant plus que le terrain ne peut être situé que dans l'emplacement de l'agrandissement du chœur et qu'il a été donné par N. de Chérizy lorsqu'il était archidiacre, c'est à dire avant 1176. Ceci nous offre un nouvel éclairage qui permet de penser que les travaux entrepris par Nivelon de Chérizy concernent le chœur et les chapelles, nombreuses autour de ce chœur, plutôt que l'ensemble de la cathédrale. Il nous faut donc continuer et poursuivre les recherches.

          Pour l'hémicycle du transept sud de la cathédrale de Soissons, il faut chercher une plage de réalisation entre celle comprenant l'hémicycle de Morienval, soit 1122, et le début des travaux de la nef de la cathédrale, soit aux environs de 1140. Cette plage comprend, entre autre, le début de la réalisation du chœur en hémicycle de Saint-Denis, commencé le 14 juillet 1140 et terminé le 10 juin 1144, plage que l'on peut réduire dès le premier regard comparatif des plans, à 1122-1140.

          On peut poursuivre par l'analyse des 3 plans, en posant au préalable le classement chronologique suivant : - Morienval, - transept sud de Soissons, - chœur de Saint-Denis. Cette analyse va peut-être permettre de classer le transept sud de Soissons entre 1122 et 1140. Dimension du rayon du chœur de Morienval : environ 5 mètres, celui du transept de Soissons: environ 8 mètres.

          L'augmentation du diamètre des trois édifices semble indiquer que  :                   

          La distribution en plan du chœur de l'église de Morienval est basée sur une distribution des points porteurs aux angles 0°, 45°, 90°, 135°, 180°. Puis, un peu plus élaborée, la distribution du plan du transept sud de Soissons est basée sur une distribution des points porteurs aux angles : 0°, 60°, 120°, 180°, suivant un demi hexagone, chaque secteur étant divisé en trois (voir plan du transept sud de Soissons). Quant à celui de Saint-Denis, encore plus élaboré, il va se rapprocher de la distribution utilisant en partie le tracé du décagone : 0°, 36°, 72°, 108°, 144°, 180°. Je précise "se rapprocher" car le centre du cercle semble être avancé par rapport au diamètre (voir plans) : nous sommes, ici, entre le 14 juillet 1140 et le 10 juin 1144. Le tracé du décagone par l’utilisation du tracé du nombre d'Or, bien que possible, ne semble pas aussi net que dans les édifices qui vont suivre, procédé qui va se généraliser dès les années 1150 dans les grandes cathédrales de l'Isle de France ou en proximité : Sens, 1150, Notre Dame de Paris, dans le Parisis, ne sera commencée qu'en 1161. L'étude des trois plans (de Morienval, du transept sud de Soissons, de Saint-Denis), en ne tenant compte que de la distribution plus élaborée du plan, oblige à faire glisser la date du transept sud de Soissons entre Morienval et Saint-Denis. De plus, l'augmentation très sensibles des techniques (conception du plan mieux élaboré, voûtes sur nervures du déambulatoire bien mieux réalisées, points porteurs de section allant en diminution constante et se terminant à Saint-Denis par des colonnes), impose ce classement, ce qui permet d'établir cette plage entre 1122 et le 14 juillet 1140, soit dix huit ans : plage dont l'étendue paraît largement suffisante pour réaliser cette partie de l'édifice.

          Le chœur de Morienval a été réalisé entre 1122 et 1125, soit en trois périodes hors gel. Une analyse succincte de l'hémicycle de Morienval permet de situer celui de Soissons comme postérieur. En effet, les poussées dans une coupole ou dans une voûte en cul de four sont faibles ou même très faibles, ce qui a pu être prévu au démarrage des travaux dans l'hémicycle du transept sud de Soissons. Les Romains l'ont exploité souvent, par exemple, le Panthéon de Rome, il suffit de construire des murs périphériques suffisamment épais et, pour réduire la quantité de matériaux nécessaires, d'y réaliser des niches pour obtenir une assise stable. Une comparaison avec l'hémicycle de Soissons permet de voir que le principe est pour ainsi dire le même à une différence essentielle : c'est l'utilisation de nervures suivant une technique gothique (à Soissons), ce qui oblige à classer le transept sud dans les monuments gothiques (hémicycle sud photo, voir plan et photo ci après).

          Ces descriptions permettent le classement suivant : Morienval, Transept sud de Soissons, Abbaye de Saint-Denis.

          Quant aux arcs sur les baies extérieures (voir photo extérieur transept sud), ils complètent le raisonnement qui aboutit à proposer les dates comprises entre 1122 et 1140 parce qu'ils sont, au premier niveau : en plein cintre, au deuxième niveau : en arc ogive évasée, au troisième niveau : en arcs ogives resserrés. Cette évolution serait à mettre en relation avec l'évolution chronologique de l'architecture gothique qui, très rapidement, évoluera en abandonnant l'arc en plein cintre au profit de l'arc en ogive.

             L'ARC  OGIVE

          C'est un arc brisé, son nom proviendrait d'un mot remontant au VIe ou Ve siècle avant J-C, à cette époque : Aughifs qui deviendra Augive aux XIe-XIIe siècles, puis Ogive. N'oublions pas que nous sommes au tout début de l'architecture gothique, on passe progressivement du plein cintre à l'ogive. Il faut aussi tenir compte du fait que c'est probablement l'expression des différences extérieures entre le plein cintre et l'ogive, que les constructeurs constatent de visu qui les conduit à choisir l'arc ogive au détriment de l'arc plein cintre, car la différence caractérise et exprime beaucoup mieux l'architecture nouvelle de la précédente. Ceci les conduira à l'abandon du plein cintre dans les années 1151/1152. Les trois baies du troisième niveau sont réalisées dans un mur courbe ne comportant pas d'arc de décharge, sauf ceux nécessaires pour les baies et en décor, une nervure. Il semblerait que le concept du vitrail pouvant occuper le pan de mur entre deux nervures ne soit pas encore compris et admis avant la réalisation du transept sud, mais cette expérience va probablement l'engendrer (voir photo intérieure). A tel point que la nef de la cathédrale qui suit la réalisation du transept sud va parfaitement être prévue pour recevoir des vitraux. Ce qui va de paire avec les arcs-boutants.

 

Plan du transept sud

Plan du transept sud

           ETUDE  DE  LA  SCULPTURE  DES  CORNICHES  ET  DES  CHAPITEAUX

 

          La sculpture des chapiteaux visiblement postérieure à 1122 et antérieure à 1150 (photos des chapiteaux de Condé-sur-Aisne : 1100), de Morienval (avant 1122), de Vailly-sur-Aisne (1135), à comparer à ceux du transept sud de la cathédrale de Soissons (voir le chapitre 14 - Sculpture des chapiteaux). C'est en partie la ressemblance des chapiteaux du transept sud de Soissons et de l'église de Vailly-sur-Aisne qui me fait proposer la même date de réalisation. Mes connaissances dans la sculpture des années 1100 et suivantes sont modestes, sans pouvoir m'appuyer sur une étude, n'en connaissant absolument pas l’existence, et me demandant même s'il en existe une? Des archéologues tels que Lefevre-Pontalis, Moreau-Nélaton ont fait des relevés et des descriptions mais, à ma connaissance, jamais suivies de dates autres que début ou fin du XIIe siècle, cependant, il me semble pouvoir préciser certains points :

 

          Premièrement, avant le retour des croisades, la sculpture romane va surtout être utilisée pour la représentation des Evangiles : utilisation de scènes de la vie du Christ et des Apôtres, ainsi que la représentation de l'enfer par des masques anthropomorphes, et par des monstres. Puis, dès le retour des croisades, vers 1104/1105, utilisation de motifs consistant en des arabesques. Les décors en bâtons rompus ainsi qu'en coussinets (chapelle Saint-Pierre aux Liens) aux entourages des baies seraient de la même époque. Ces décors ne dureront pas longtemps, dès les années 1115-1120, apparaissent des arabesques, des entrelacs de rinceaux qui seront complétés par des rubans : chapiteaux rubanés.

          Puis, suivra une stylisation florale dans les années 1130, telle que nous la voyons dans le transept sud. Ces éléments permettent de proposer une période entre 1122 et le 14 juillet 1140 pour le transept sud de Soissons, période de 18 ans tout à fait acceptable pour la construction. La sculpture des corniches dans le transept sud de Soissons pourrait être du type entrelacs à rinceaux des années 1130, or, il n’en est rien : ce 8 horizontal () qui se développe sur la corniche intérieure tout au long du transept sud, sans aucune rupture, n’est autre que la représentation de l’infini en caractère numérique (la signification symbolique et parfois occulte des nombres est appelée la numérologie). Cette marque est à rapprocher des trois niveaux, des trois travées, et des baies regroupées par trois, cette disposition particulière devant probablement être la représentation de la Trinité.

 

          La ville de Soissons va être érigée en commune en 1116 (d'après le livre de J. Saincir), ce qui génère un mouvement d'élan qui a pour conséquence une action positive sur la vie communale et sur l 'architecture. Ceci concourt à la proposition de datation, de la même façon que pour l'église de Vailly-sur-Aisne. C'est donc la proposition de date qu'il faut retenir comme plage de réalisation pour le transept sud de Soissons, soit entre 1122 et 1140.

          La reprise des forces engendrées dans les nervures du transept sud sont reprises, à l'origine, par des CONTREFORTS et non par des arcs-boutants comme actuellement. Ces arcs-boutants seront réalisés, pour la première fois en architecture, pour la nef de la cathédrale de Soissons. Le système constructif du transept sud correspond davantage à un essai qu'à une réalisation parfaitement maîtrisée, comme si la voûte de l'église de Morienval et de la chapelle des Templiers restaient les modèles de base qui vont devenir, par évolution, ce que nous avons actuellement sous les yeux. C'est à dire que l'on passe d'une voûte en cul de four à une coupole sur nervures, puis à une coupole nervée par quatre nervures soutenant trois voûtes. Comme si, pendant l'exécution, il y avait eu amélioration du projet.

 

          Quant à la pseudo nervure qui se trouve au niveau du mur extérieur et des voûtes, (je précise bien "pseudo" car ce n'est en aucun cas une nervure), elle est en courbe gauche et n'a pas le profil d'une nervure prévue pour participer au système constructif. C'est un trompe l'œil, certes, très habile, mais qui n'a pas la fonction que remplirait une nervure. Ce n'est qu'arrivé au troisième niveau et en ayant réalisé les nervures, qu'apparaît la possibilité de réaliser trois voûtes en étoile, s'inspirant des voûtes sur nervures des édifices de Clairvaux (bâtiment des convers ou peut-être même de ceux de Vauclair qui ont, eux, des voûtes sur nervures mais sur plan rectangulaire ou carré).

          Ces nervures, telles que nous les voyons actuellement, concentrent ainsi des efforts ponctuels qui seront repris par des contreforts et non par des arcs-boutants comme ceux existant actuellement. Ceci caractérise une évolution grâce à laquelle on peut juger de l'amélioration dans la conception du plan et qui conduit à une proposition de date. Ces éléments permettent de proposer comme date de réalisation entre 1122 et le 14 juillet 1140 pour le transept sud de Soissons (après Morienval et avant Saint-Denis).

 

          Au sujet de l'architecture gothique, je pense qu'il a fallu plusieurs essais, dont certains infructueux, avant qu'ils ne comprennent tous les avantages que l'on peut tirer de ce concept nouveau. Il y a certainement eu des erreurs, mais je réfute le terme ''architecture de transition''. Par contre, il existe une utilisation du concept "d'architecture gothique" qui consiste à utiliser les progrès d'une construction antérieure dans celle qui suit.

 

          Le transept sud de Soissons, grâce aux erreurs de conception du plan ainsi qu’à celles de sa réalisation, nous confirme les dates proposées. Nous sommes bien en présence du premier édifice gothique. C'est une chance de pouvoir l’examiner et d'en tirer des propositions que l’on peut considérer comme valables. Ce transept sud a probablement été conçu par Saint-Bernard. A-t-il été conservé pour cela? Peut être, ce n'est pas inconcevable.

 

            LA  NUMEROLOGIE  DE  SAINT-JEAN.

 

          La cathédrale Saint-Gervais et Saint-Protais et sa lecture grâce à la numérologie.

 

          Avec la numérologie, le regard que l’on peut porter sur le transept sud de la cathédrale s’éclaire d'un jour nouveau en raison de l'utilisation du nombre trois à chaque niveau :

           - trois arcades entre trois piliers, soit neuf;

           - trois baies groupées par trois, soit neuf;

           - trois niveaux de trois baies, soit neuf;

           - Le chiffre trois représente la trinité et neuf, le carré de trois, représente le chiffre du ciel. Le chiffre neuf représente l’universalité.

          Ceci me conduit à penser que la cathédrale Saint-Gervais et Saint-Protais a été conçue et dédiée initialement au Saint-Sauveur.

 

          Le chiffre neuf, en grec et en latin, s’écrit IX, ce qui donne I = Iota, et X = khi, initiale de IHCOYC, XPICOC = Jésus Christ. (Les symboles chrétiens, M. Feuillet, PUF, collection Que sais-je?).

 

          La corniche "sans fin" dont la sculpture à base de huit couchés indique l’infini, complète en partie la façon de lire ce transept sud. La nef est construite avec la représentation de la Jérusalem Céleste. La représentation est basée sur le carré 12 x 12, ce qui accrédite mes recherches au sujet de ce carré. A cette étude, il faut ajouter les éléments suivants :

 

          - Après son baptême dans le Jourdain par Jean le Baptiseur, (Jean-Baptiste), Jésus va passer 40 jours de solitude dans le désert;

          - le peuple Hébreu, guidé par Moïse, dut errer 40 ans dans le désert avant d’entrer en  terre promise;

          - Moïse dut rester 40 jours et 40 nuits auprès de Yahvé, au mont Sinaï pour recevoir les deux tables du Témoignage.

          - Elie dut cheminer 40 jours dans le désert pour fuir la vengeance de la reine Jezabel (d’après le livre de Giovani Papini, Histoire du Christ).

          Quarante :  toujours ce chiffre 40, et l’entre axes de la nef de la cathédrale de Soissons mesure 40 pieds. Je ne peux imaginer autre chose qu’une volonté délibérée.

           40 pieds de 32,4 cm = 1 296 cm.

 

          Ce texte concernant la numérologie et son application a pu être écrit grâce aux connaissances de Monsieur G. Martinet.

Vue intérieure du transept sud (avec la corniche composée de ∞)

Vue intérieure du transept sud (avec la corniche composée de ∞)

Vue extérieure du transept sud (les arcs-boutants ne sont pas d'origine)

Vue extérieure du transept sud (les arcs-boutants ne sont pas d'origine)

Viel-Arcy, corniche de l'hémicycle décorée de ∞.

Viel-Arcy, corniche de l'hémicycle décorée de ∞.

          Vieil-Arcy : la corniche richement décorée doit dater de 1124, date à laquelle trois prêtres de cette église ont la charge de la paroisse de Saint-Médard. Le décor avec des 8 couchés est à relier à celui du transept sud de la cathédrale de Soissons (1125/1140).

 

20 C - LA  CATHEDRALE  DE  JOSLEIN  DE  VIERZY

 

          Admettons que ce soit sous l’évêché de Joslein de Vierzy qu’une précédente cathédrale ait été réalisée, peut-on découvrir son aspect?

          Joslein de Vierzy arrive à Soissons en 1105, il est nommé évêque en 1126, il meurt en 1152 et il est enterré dans Sa cathédrale en 1162. Il ne voit donc pas l’achèvement de son œuvre. Par contre, il est présent dès le début de la réalisation du transept sud, jusqu’à son achèvement, puis pendant la réalisation de la nef, ainsi qu’au moins pendant le début des travaux du chœur et du transept nord.

          Pour des questions techniques de construction, il faut considérer qu’il n’est pas possible de construire la nef sans l’appuyer au carré du transept ainsi qu’à un chœur et à un transept nord. Le transept sud venant d’être réalisé, seul un greffage sera à faire.

          Le chœur réalisé sous l’évêché de J. de Vierzy est probablement de petite dimension, comme à Laon et, comme à Laon, à peine réalisé, il va s’avérer trop petit; Nivelon de Cherizy va entreprendre son agrandissement. Ce besoin est causé par l’augmentation du nombre des membres du clergé. C’est aussi à ce moment là que va être envisagée la réalisation d’une tour lanterne, tour lanterne que l’on retrouve à Braine en 1180 et à Laon, pendant la même période. Cette tour, par sa masse, va engendrer l’augmentation de la section des piliers du carré du transept. Ils vont être conçus nervés et, comme il n’est pas nécessaire de supprimer les colonnes réalisées par J. de Vierzy, ces dernières sont probablement encore à l’intérieur des piliers nervés.

          Quant au transept nord que nous connaissons, sa réalisation sera réalisée quelques années plus tard, après la démolition du transept nord de J. de Vierzy.

          Les fouilles entreprises par E. Brunet permettraient peut-être d’émettre des hypothèses sur les enchaînements des faits proposés. Cependant, si cela infirme ou confirme certains des travaux, cela ne remet pas en cause la réalisation du transept sud entre 1125 et 1140 et la réalisation de la nef entre 1137 et 1152.

          En résumé, entre la mort de J. de Vierzy (1152) et son enterrement dans la cathédrale (1162), il s'ècoule 10 années qui s'inscrivent dans la dernière décade des 25 années nécessaires à la construction de l'édifice. Il a fallu attendre son achèvement pour l'enterrer dans SA cathédrale. Sinon, comment expliquer l’enterrement de J. de Vierzy en 1162, dans sa cathédrale, dix ans après sa mort?

          Le plan ci-après représente le plan de la cathédrale en 1162, telle qu'on peut l'imaginer en fonction des détails historiques qui font l'objet de cette étude.

 

Plan possible de la cathédrale de Joslein de Chérizy, en 1162

Plan possible de la cathédrale de Joslein de Chérizy, en 1162

Elle

Elle

20 - LA CATHEDRALE  DE  SOISSONS
20 - LA CATHEDRALE  DE  SOISSONS